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Cinq recommandations pour une transformation sociale réussie en période de crise économique

Photo du rédacteur: Diot-Siaci InstituteDiot-Siaci Institute

par Nicolas GHETTI, Directeur des Mutations Economiques et Sociales, SIACI SAINT HONORE


Depuis la crise sanitaire, les entreprises doivent faire face à deux chocs majeurs. Le premier, c’est cette confusion, cette incertitude, autour de la politique de distanciation physique : confinement, couvre-feu, etc. Le second, c’est la chute, parfois très brutale, de l’activité. Ce nouvel environnement, que l’on espérait éphémère, commence pourtant à s’inscrire dans le temps long. En plus des bouleversements que cela suppose, notamment pour certains secteurs d’activité comme la culture ou le tourisme, on voit émerger des myriades de questions : Quel juste équilibre entre le télétravail et le travail en présentiel ? Comment accélérer la transformation numérique ? Comment repenser son activité économique ? Mais surtout, comment préserver la rentabilité de son entreprise ? Et pour certaines d’entre elles, le choix de la réorganisation et de la transformation devra s’imposer.


Pourtant, si la situation sanitaire semble inédite, vivre une situation de crise économique ne l’est absolument pas. Et l’on peut déjà compter sur l’existence de plusieurs outils de réorganisation pour permettre aux entreprises d’adapter leurs effectifs à leur niveau d’activité. Ces différents outils se distinguent selon l’objectif qui s’impose à l’entreprise. Il s’agira par exemple d’évaluer le caractère proactif plus ou moins fort de la démarche. Ces outils dépendront aussi de l’urgence de la situation, et de l’échéance d’exécution souhaitée, plus ou moins longue selon les scenarii économiques envisagés. Enfin, c’est la population catégorielle salariale concernée qui conditionnera la réorganisation : le périmètre, les métiers, les critères d’âge… A l’entreprise d’en évaluer précisément les conséquences, directes ou indirectes, pour son organisation.


On l’a dit, cette panoplie d’outils, notamment juridiques, vise à permettre aux entreprises d’identifier le dispositif le mieux adapté aux besoins spécifiques de l’entreprise. Mais il n’en demeure pas moins que toute réorganisation demeure une opération complexe, délicate, anxiogène voire pénalisante pour l’ensemble du corps social que constitue l’entreprise. Ce papier vise justement à rappeler les bonnes pratiques à mettre en œuvre en pareille circonstance.



1. Même en situation de crise extrême, prendre le temps d’évaluer et « d’écouter » son entreprise


L’agilité d’une entreprise se mesure à sa capacité de s’adapter rapidement à toute nouvelle situation, qu’elle soit conjoncturelle ou structurelle. Mais dans tous les cas, il est fondamental de ne pas contourner certaines étapes :

Sur le volet financier, une analyse économique et financière fine de la situation est une condition nécessaire. Une cartographie, comme par exemple une matrice SWOT, est indispensable pour le projet. Dans un second temps, il s’agit d’évaluer précisément le budget que l’on peut consacrer à la réorganisation et son ROI pour l’entreprise ;


Sur le volet social, la première étape est d’évaluer le climat social de l’entreprise. Il est également fondamental de bien tenir compte de la culture de l’entreprise, mais aussi de l’historique de l’organisation et des indications fournies par les services RH dans ce type de projet ;


Sur le volet stratégique, il s’agit de définir et formaliser le « projet d’entreprise » qui résultera de la réorganisation. En son absence, on ne peut ni déterminer le cap d’avenir, ni mobiliser le corps social. Il est également important de rappeler et connaître les solutions alternatives à la mise en œuvre d’un plan « dur » et contraignant.


Sur le volet opérationnel, déterminer un calendrier, outre celui juridiquement imposé, recevable par les partenaires sociaux, eu égard aux contraintes du marché ;


Sur le plan de la communication, on ne le redira jamais assez, il s’agit d’être en permanence à l’écoute des salariés et de communiquer, en toute transparence, en les associant au-delà même de la réglementation relative aux procédures légales de consultations. Il est à noter que s’il est normal de se préoccuper des salariés qui devront in fine quitter l’entreprise et de les accompagner, beaucoup d’entreprises souffrent après la réorganisation de n’avoir su prévoir et formaliser un programme de mobilisation et de redynamisation de ceux qui resteront dans l’entreprise. Ce sont pourtant bien eux qui porteront le projet d’entreprise post-restructuration.



2. Ne pas croire au mirage de « l’effet d’aubaine »


La crise sanitaire provoque des situations de crise économique et financière pour certaines sociétés, dans des secteurs d’activités différents. Pour nombre d’entre elles, on a vu se mettre en place des mesures d’aide et des mécanismes gouvernementaux afin de faire face à ce soubresaut conjoncturel. Le prêt garanti par l’Etat (PGE) en est un exemple. Mais pour d’autres en revanche, cette crise vient révéler des situations structurellement fragiles qui perduraient et qui n’avaient pas été gérées par anticipation. Dans ce deuxième cas, la restructuration s’impose en dehors de toute considération conjoncturelle.


C’est là où il faut faire en sorte que ne se développent des effets d’aubaine injustifiés. Une mesure de transformation, par définition structurelle, pourra être perçue et jugée abusive pour affronter une situation de crise conjoncturelle. Le risque, c’est un effet boomerang, et que cela ne soit tout aussi inappropriée et inefficace qu’un PGE – mesure conjoncturelle – pourrait l’être pour une entreprise dont on sait depuis longtemps que sa survie en l’état est condamnée.



3. Privilégier le dialogue social et la mise en œuvre de mesures douces


Opter pour des mesures douces chaque fois que possible plutôt que pour des mesures contraignantes.


Dans le cadre d’un plan d’adaptation des effectifs, la première préoccupation doit porter sur le maintien de l’équilibre social, avec une transformation comprise et approuvée par l’ensemble des parties décisionnaires, Instances Représentatives du Personnel (IRP) et Direction.


A cet effet, un dialogue social de qualité et efficace s’impose, tout comme une communication adaptée. D’ailleurs, une formation des parties prenantes est vivement recommandée ! La transformation doit absolument permettre de maintenir la compétitivité de l’entreprise - la sauvegarde économique de cette dernière fonde la réorganisation - tout en préservant l’équilibre social et le bien être des collaborateurs.


Pour cela, il est encouragé d’amorcer le dialogue avec les instances représentatives du personnel le plus tôt possible. Le principal enjeu est de rendre les options de réorganisation / restructuration comprises et entendues de tous, et surtout, qu'un climat positif fasse le lit de travaux de transformation constructifs. Si le dialogue et l’information/formation doivent intervenir en amont, cela doit bien sûr pouvoir se poursuivre pendant toute la phase de déploiement opérationnel de la transformation retenue.


Parmi les mesures « douces », on peut évoquer l’Accord de Performance Collective (ACP) (comprise comme une mesure « douce » mais à la seule condition que les salariés y adhère) ; la Rupture Conventionnelle Collective (RCC) ; les mesures de Transition Emploi Retraite, ces dernières pouvant également s’intégrer dans le cadre de plan de restructuration « dur » déployé dans l’urgence. A noter également que la RCC monte en puissance, avec une vision de gestion des effectifs sur le long terme et des objectifs de renouvellement des compétences. Elle devient même un outil indispensable pour une réorganisation préventive, et ce, en amont de difficultés économiques.


N’oublions pas également que les dispositifs de la Loi Florange ne sont pas qu’une simple contrainte légale à laquelle il faudrait se conformer, sans espoir – volonté quelquefois – de réussite. En effet, la recherche de repreneurs d’un site, sans cession de fonds de commerce, et orientée vers des activités connexes par rapport à celle originelle, est une source potentielle non négligeable de repositionnement de salariés polyvalents, tout comme doit l’être ultérieurement la revitalisation.



4. Le PSE : un outil bien spécifique et non une solution miracle


Ce dispositif n’est pas une solution miracle, mais bien pensé il demeure un outil efficace pour répondre à une situation de crise et d’urgence.


Dans un monde idéal, il n’y aurait que des mesures d’anticipation pertinentes. Mais force est de constater que les Gestions Prévisionnelles des Emplois et des Compétences GPEC (et récemment, GEPP pour Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels), bien que mises en œuvre dans de nombreuses organisations avec beaucoup de bonne volonté, d’expertise et d’espoir, arrivent rarement à atteindre des objectifs d’adaptation efficaces pour éviter les restructurations à chaud quand une crise économique impacte trop fortement l’activité et remet en cause le poids de la masse salariale.


Le Plan de Sauvegarde pour l’Emploi (PSE), souvent synonyme de départs contraints, avec la garantie d’atteinte de l’objectif final de réorganisation demeure donc un outil cardinal en cas de difficultés économiques majeures avec sureffectif structurel. Le PSE classique se traduit donc par le passage, au sein de la GPEC, de la catégorie « d’emplois sensibles ou menacés » à la catégorie « d’emplois mis en cause ». On parle alors de « hard restructuring », avec la certitude du départ des postes mis en cause. En tant que tel, il constitue pour les salariés un choc, souvent traumatisant.


Pourtant, cette procédure n’est pas totalement exclusive de méthodes de « soft restructuring » pouvant s’inscrire dans le PSE. C’est pourquoi, l’introduction d’une phase d’appel à volontariat, de mobilités internes, de transition emploi retraite, de refondation de la pyramide des âges, sans être exhaustif, doivent absolument retenir toute l’attention des parties prenantes lors de l’élaboration du Plan.



5. Les mesures d’accompagnement sont capitales quelle que soit l’option de réorganisation choisie


Si l’on veut garantir une forte probabilité de repositionnement professionnel pour les salariés concernés, les mesures d’accompagnement doivent être totalement adaptées à la population concernée, mais aussi à la situation du bassin d’emploi dans lequel interviendra une restructuration. A cet effet, il n’est pas inutile de rappeler la nécessité de procéder en amont à une étude du bassin d’emplois, ainsi qu’à une étude d’employabilité des salariés. Il est aussi recommandé de projeter cette employabilité des salariés sur le tissu économique du bassin d’emploi afin de déterminer plus précisément l’adaptation des mesures d’accompagnement du plan : définition de l’offre de reclassement, du niveau de salaire, du rayon géographique éligible, des formations, du niveau du nombre de créations d’entreprises possible, etc.


Enfin lorsque l’obligation de revitalisation s’impose, il convient de la mettre en œuvre avec rigueur. Cela signifie que l’entreprise doit, elle aussi, s’impliquer pleinement sur ce sujet, notamment par les moyens déployés et par la mise à contribution de son réseau. Il en va de sa responsabilité d’entreprise à l’égard de ses salariés.



*****

En définitive, toute réorganisation suppose de mettre les dirigeants face à la réalité de leur propre conception de la Ressource Humaine. Pour certains, et on peut le regretter, il s’agira de la concevoir comme une contrainte… Mais pour d’autres, et ils sont nombreux, la Ressource Humaine est bien plus qu’une simple ressource. Elle représente un atout précieux, une richesse. En réalité, nous devrions parler de Richesse Humaine.






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